Peut-on être payé pour consommer de l’électricité ?
Se faire rémunérer pour consommer de l'électricité : mythe ou réalité ?

Titre aguicheur, n’est-ce pas ? Se faire payer par le réseau pour consommer de l’électricité : une idée saugrenue ? Ou un réel concept d’avenir ? On explique tout dans cet article. 

Qui pourrait payer le consommateur, et pourquoi ?

Autant le dire tout de suite : la production d’électricité a un coût. Il faut bâtir puis entretenir des centrales (ou des parcs éoliens ou solaires) et les alimenter en carburant. Si le consommateur doit être rémunéré pour consommer, le chèque ne viendra donc pas des producteurs, mais bien du réseau électrique : celui qui se charge d’acheminer l’électron jusque dans les prises.

Bonne nouvelle : lorsque l’on consulte sa facture d’électricité, on constate immédiatement que le transport et la distribution de l’énergie représentent une partie importante du prix que l’on paie tous les mois. C’est le fameux « TURPE » (Tarif d’Utilisation des Réseau Publics d’Electricité). Il est régulé par les pouvoirs publics représente en effet près de la moitié de la facture du consommateur final. L’énergie à proprement parler que l’on consomme (donc « l’électron ») ne représente finalement que 30 à 40% de la facture.

Mais alors, pourquoi le transport de l'électricité est-il si coûteux ?

On imagine bien que dresser des pylônes et tirer des câbles électriques sur des milliers de kilomètres coûte cher, et qu’il faut rentabiliser cet investissement sur le long terme. Mais ce sont surtout deux autres raisons qui expliquent le prix important de ce « TURPE » dans notre facture : 

  1. Transporter de l’électricité induit des pertes en ligne, qui font du couple Enedis-RTE le plus gros consommateur d’électricité du pays après les ménages, car les volumes correspondant à ces pertes sont achetés sur les marchés ;
  2. RTE a une autre mission que celle du transport : il est responsable de l’équilibre-offre demande, et donc de la sécurité d’approvisionnement en électricité sur le territoire.

En clair : on paie car il y a beaucoup de déperditions d’électricité sur le réseau, et aussi car RTE (Réseau de Transport d’Électricité) a pour mission d’assurer que nous ayons du courant dans notre prise à toute heure. Et c’est un travail à temps plein.

Néanmoins, si le consommateur pouvait contribuer à l’équilibre offre-demande en adaptant son comportement, cela reviendrait évidemment moins cher à RTE d’assurer cet approvisionnement, n’est-ce pas ? RTE n’aurait pas à s’inquiéter chaque jour et chaque heure que l’équilibre est bien respecté. Et le consommateur assurerait alors, pour le compte de RTE, une partie de son coeur de métier. Et quel meilleur moyen qu’une juste rémunération pour inciter le consommateur à adapter son comportement vertueux pour le réseau électrique  ?

 

Pourquoi une rémunération du consommateur est tout à fait envisageable

Au-delà de la théorie exposée plus haut, il serait tout à fait possible, en pratique, de rémunérer le consommateur pour son rôle dans l’équilibre offre-demande, pour la simple et bonne raison que le réseau électrique prévoit déjà des mécanismes de rémunération pour de bons comportements.

La rémunération des acteurs pour l'équilibre offre-demande sur le long terme

Sur le long terme, le rôle de RTE est de définir l’adéquation entre les capacités de production disponibles, et la consommation électrique. Le tout avec un critère de risque acceptable : il est illusoire d’imaginer un réseau électrique et un parc de production capable de faire face à tous les aléas. 

En France le critère de risque correspond à une espérance de coupure de l’approvisionnement de 3h par an. Cela évite la construction de centrales coûteuses qui ne fonctionneraient que quelques heures par an, voire uniquement certaines années. Cette adéquation nécessite donc une vision de long terme, car une centrale de production d’électricité ne se construit pas en un jour. Ni un en mois.

Pour s’assurer de disposer de suffisamment d’électrons à tous moments, certains pays – dont la France – ont donc mis en place des marchés dits « de capacité ». En clair, une centrale n’est pas rémunérée pour sa production effective mais uniquement pour sa capacité à produire.

Le réseau rémunère donc déjà pour un bon comportement : celui de se tenir prêt à produire en toutes circonstances. Ce mécanisme pourrait donc très bien fonctionner à l’inverse (en faisant de « l’effacement de consommation ») : s’il s’engage à ne pas consommer sur certaines plages horaires, un consommateur pourrait donc très bien, lui aussi, être rémunéré par le réseau.


Nous pourrions donc avoir, sur le même réseau électrique :

  • Des centrales vendant des certificats attestant de leur capacité à produire ;
  • Des consommateurs vendant des certificats attestant de leur capacité à ne pas consommer.
Le fait d’agir à la fois sur l’offre et sur la demande pourrait ainsi faciliter l’équilibrage du réseau, et éviter l’ouverture de nouvelles centrales polluantes.
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La rémunération des acteurs pour l'équilibre offre-demande sur le court terme

A l’opposé du spectre, la sécurité d’approvisionnement nécessite aussi des actions sur le très court terme.

Le réseau doit être en mesure de répondre très rapidement à des aléas, qu’ils soient du côté de la production (panne fortuite d’une centrale) ou de la consommation (explosion de la demande due à une vague de froid, par exemple). Car non, on ne peut malheureusement pas tout prévoir. Au-delà des pannes, les prévisions météo ne sont jamais parfaites, et la production renouvelable, comme la consommation liée au chauffage ou à la climatisation, peuvent être très différentes en temps réel de ce qui était prévu.

Pour faire ça à ces aléas, les gestionnaires de réseau doivent donc contractualiser des réserves, que l’on appelle aussi les « services systèmes » dans le jargon électrique. Concrètement il paye certaines centrales afin qu’elles soient en mesure, en quelques minutes voire quelques secondes, d’ajuster leur production à la hausse ou à la baisse. Ces actions permettent ainsi de rétablir la fréquence du réseau à 50Hz, après un évènement imprévu.

Nous sommes donc là sur le marché de la flexibilité, où un acteur est rémunéré pour sa capacité à ajuster sa production, et cela même si au bout du compte il n’est pas réquisitionné pour le faire. On peut très bien imaginer exactement la même chose pour le consommateur : il est rémunéré s’il est capable d’ajuster sa consommation à la hausse ou à la baisse lorsqu’on lui demande.

Point important : Les mécanismes se doivent d’être harmonisés au niveau européen, tant le réseau est interconnecté sur le continent. Comme nous l’avons vu en juillet 2021, un incident sur un ligne électrique dans les Pyrénées française peut avoir des répercussion en Espagne et sur le reste de l’Europe.

Pourquoi le renouvelable change la donne

La fin de l'inertie du réseau électrique

Historiquement la stabilité du réseau était assurée par l’inertie des moyens de production. Car même si elle est arrêtée en urgence, une centrale thermique ou nucléaire voit sa turbine continuer à tourner quelques temps, ce qui évite un effondrement instantané de la fréquence du réseau. Un opérateur comme RTE a alors le temps de mobiliser ses réserves.

Avec le boom des énergies renouvelables la situation s’est fortement dégradée : les panneaux photovoltaïques n’ont aucune inertie, les éoliennes très peu. Dans le même temps, les centrales thermiques les plus polluantes sont progressivement démantelées en Europe. 

Cette évolution structurelle du mix énergétique en terme de capacité, se combine avec la forte intermittence des énergies renouvelables (qui ne produisent que lorsque le vent souffle ou lorsque le soleil brille). Les opérateurs de réseau ont donc des besoin en flexibilité de plus en plus importants. 

C’est là que le consommateur a un rôle à jouer : il pourrait laisser au réseau le choix d’optimiser la charge de ses appareils, ou le fonctionnement de son chauffe-eau ou de ses radiateurs sur quelques minutes en cas de forte tension. Le tout, en « pilote automatique », en laissant la main au réseau électrique. Cela permettrait, via une flexibilité sur la consommation, de retrouver l’inertie perdue avec la fermeture des centrales thermiques.

Le véhicule électrique : une porte d'entrée efficace vers une rémunération du consommateur

En réalité, les solutions permettant de rémunérer le consommateur pour son comportement de consommation d’électricité existent déjà. Le développement des véhicules électriques a même été un accélérateur de cette tendance. Contrairement aux radiateurs ou aux plaques de cuisson, le véhicule électrique peut se recharger à n’importe quel moment, sans incidence sur notre mode de vie. Il peut aussi stocker de l’énergie. En plus, on le branche sur de très longues plages horaires (8 à 12 heures, généralement la nuit). Il y a donc là deux avantages majeurs :

  • D’abord, la recharge du véhicule peut être optimisée en fonction de l’état du réseau. Elle peut être arrêtée lorsque la demande est forte, et reprendre automatiquement lorsqu’il y a un excès de production sur le réseau. Elle participe donc directement à l’équilibrage de l’offre et de la demande. Mieux : tout ceci peut être piloté automatiquement. De telles applications sont déjà disponibles et proposent une rémunération au propriétaire du véhicule, à raison de quelques centimes par période de charge.
  • Ensuite, la batterie de la voiture électrique stocke beaucoup d’énergie. Elle peut donc se recharger lorsque la demande est faible et ré-injecter l’électricité stockée dans le réseau lorsque la demande est très forte. C’est ce qu’on appelle le « vehicle to grid » (ou « V2G »). Les voitures électriques font ainsi office de « petites batteries » pour équilibrer le gigantesque réseau électrique national. Aujourd’hui, leur impact est très marginal. Mais si, demain, la France compte 40 millions de voitures électriques (donc 40 millions de « petites batteries »), cela nous permettrait de stocker et de réutiliser l’électricité d’origine renouvelable, et de se détacher des énergies fossiles plus facilement.

Dans l’attente de la généralisation de ces solutions, il est d’ores et déjà possible de se faire simplement rémunérer pour consommer de l’électricité grâce à l’offre à tarification dynamique de barry. En effet il n’est pas rare que les prix de l’énergie soient négatifs (en cas de faible demande et de forte production renouvelable) et que le client soit ainsi payé pour consommer !

Pour aller encore plus loin : En lien avec la tarification dynamique proposée par barry, l’application Jedlix offre une « recharge intelligente » de ton véhicule électrique. Ta mission est simplement d’indiquer le moment où tu souhaites avoir ton véhicule rechargé. Leur rôle est de recharger ta voiture avec l’énergie la plus renouvelable et la moins chère possible sur le réseau. En plus de ce « smart charging », tu peux être rémunéré simplement en les autorisant à accéder à la batterie de ta voiture pour qu’elle participe à l’équilibrage du réseau. C’est presque de la science-fiction, non ?

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