Comment fonctionne l’électricité à prix de marché ?
éolienne dans les nuages

C’est une grande nouveauté en France : l’électricité à prix coûtant (ou « tarification dynamique de l’électricité ») est proposée par de plus en plus de fournisseurs. Dès 2022, tous les fournisseurs qui comptent plus de 200 000 clients seront obligés de la proposer. La raison est simple : ce mécanisme de prix variable permet d’éviter d’ouvrir des centrales au gaz, au fioul ou au charbon très polluantes pour produire de l’électricité. 

Le prix change toutes les heures : lorsqu’il y a beaucoup d’énergies renouvelables dans l’électricité, le prix du kWh chute – ce qui incite à consommer. Lorsque que l’éolien ou le solaire est en berne, le prix monte – cela incite à reporter notre consommation. Mais alors comment fonctionne en détail ce prix sur les marchés de l’électricité ?

Comment est déterminé le prix de l'électricité sur le marché ?

Lorsqu’on parle d’un prix de marché, on parle d’un prix déterminé par l’offre et par la demande. C’est la même chose pour tous les produits : plus il y a d’acheteurs, plus le prix monte et plus il y a d’offre, plus le prix baisse.

En électricité, c’est différent : on dit que la demande est inélastique. En clair : les consommateurs consomment toujours aux mêmes moments (aux heures de pointe le matin et le soir) et il est très difficile de les inviter à adapter leur consommation. Cela veut dire que c’est principalement l’offre (donc la production d’électricité) qui détermine le prix du kWh.

Chaque jour, les productions des centrales sont ainsi empilées par ordre de prix (du moins cher au plus cher) jusqu’à croiser la courbe de la demande. Ainsi, on commence par empiler :

  1. Les énergies renouvelables (éolien, solaire) en fonction des prévisions météorologiques pour le lendemain ;
  2. Puis la production nucléaire (dont le volume de production est très stable car il ne dépend pas de la météo, mais dont le prix est plus cher) ;
  3. Enfin, les centrales thermiques (qui viennent en complément jusqu’à croiser la courbe de la demande). Leur prix est plus élevé et relativement volatile, car il est influencé par les cours mondiaux des prix du gaz et du CO2 (le fameux « droit à polluer » dont les centrales thermiques doivent s’acquitter pour produire).
Voici un exemple de graphique qui décrit bien le processus de formation des prix de marché de l’électricité : la demande est linéaire et très peu flexible, et l’offre se construit « en escalier ».
graphique prix de marché électricité

L’évolution de l’offre, croisée à la demande, fixe ainsi le prix du kWh, heure par heure, pour le lendemain. Globalement, les prix sont relativement stables.

Toutefois, trois facteurs peuvent faire varier fortement ce prix :

  • La demande en électricité : lorsqu’il y a des chutes soudaines dans la demande (à l’occasion de jours fériés, de vacances ou de week-ends), les prix chutent. Les prix augmentent lorsque la demande bondit brutalement : par exemple lorsque tout le monde veut se chauffer au même moment lors de vagues de froid.
  • La production d’énergie renouvelable : lorsque le vent souffle très fort, les prix chutent également.
  • Le prix du gaz et du CO2 : Ces prix déterminent le coût de production des centrales thermiques. Récemment, le prix de marché de l’électricité a augmenté à cause de ces deux facteurs : 
    • D’abord à cause de la hausse de la demande chinoise qui a tiré les prix du gaz vers le haut. Ensuite . Ainsi, le prix de production d’une centrale au gaz est passé de 30€/Mégawatt en juin 2019 à 75€/Mégawatt en juin 2021.
    • Ensuite, à cause de la hausse du prix du CO2 – tirés vers le haut par les achats massifs d’investisseurs et entreprises en raison des volontés des gouvernements d’accélérer la transition écologique (ce qui augmente la valeur des « droits à polluer »).
C’est ainsi que l’on peut observer une tendance long terme à la hausse, et, en même temps, trouver des prix nuls voire négatifs le soir ou le week-end, lorsque les conditions météo sont favorables.

Pourquoi le prix de marché a-t-il été créé ?

Une concurrence entre les moyens de production

L’électricité à prix de marché existe depuis le début des années 2000. Ce prix a été créé pour mettre les moyens de production en concurrence : pour garantir une offre d’électricité à un prix raisonnable et moduler la production en fonction de ses coûts. Le prix de marché a donc la vertu d’apporter une transparence, et d’inviter les acteurs à investir dans des moyens de production peu coûteux, comme le renouvelable (à l’inverse des centrales thermiques). 

Au départ, la tarification dynamique de l’électricité était réservée aux industriels ayant une très grande consommation, et une flexibilité dans leur production. Les usines d’acier ou d’aluminium, par exemple, pouvaient ainsi décaler leurs cycles de production pour faire d’importantes économies sur leur électricité. 

Mais au fil des innovations (meilleure isolation des logements, chauffage économe, véhicules électrique), on s’est rendu compte que les particuliers pouvaient également être réceptifs au « signal-prix » émis par l’électricité à prix de marché. C’est ainsi que l’Europe a décidé d’obliger les grands fournisseurs d’électricité des États membres à proposer une offre à tarification dynamique en 2022 : pour pousser le public à adapter sa consommation en fonction des capacités de production.

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Le prix de marché est-il tout le temps gagnant par rapport à un tarif réglementé ?

En réalité, tout est une histoire de terme. Sur certaines périodes précises, comme en hiver où la demande est forte, il faut ouvrir des centrales thermiques chères et polluantes : le prix de marché est donc ponctuellement plus cher que le tarif réglementé. Le reste du temps, c’est en général l’inverse : le tarif dynamique est moins cher que le prix fixe. 

La raison est simple : dans un prix fixe, les fournisseurs traditionnels incluent leur marge, qu’il lissent sur l’année. Mais eux aussi s’approvisionnent auprès de la bourse de l’électricité, avec des prix de marché. Ils doivent donc ajouter une marge, une « prime de risque » et demander à leurs clients de payer toute l’année le même prix, pour qu’ils puissent être rentables. 

Enfin, lorsqu’on compare les prix sur le long terme (sur une année, par exemple), il y a deux scénarios :

  • Soit le prix de marché est globalement moins cher sur un an  – auquel cas, les fournisseurs traditionnels dégagent une marge sur le prix fixe qu’ils vendent à leur client et ne sont pas inquiétés ;
  • Soit le prix de marché est globalement plus cher sur l’année – auquel cas, le tarif réglementé augmentera, et tous les fournisseurs répercuteront cette hausse sur leurs prix fixes.

Pourquoi la tarification dynamique est l'avenir de notre sécurité énergétique

Le prix fixe de l’électricité a introduit l’idée qu’on peut consommer à n’importe quelle heure, sans aucun impact sur le réseau électrique ou sur la planète. Cette idée est totalement fausse.

À chaque pic de consommation (le matin entre 6h et 8h, et le soir entre 19h et 21h), le réseau est en grande tension. La demande dépasse la capacité en produit d’énergie renouvelable et d’énergie nucléaire. Il faut donc ouvrir des centrales thermiques polluantes, au gaz ou au fioul. 

La tarification dynamique permet de prendre conscience de l’impact de sa consommation d’électricité sur la planète. Les prix sont tirés vers le haut quand il faut ouvrir des centrales thermiques (qui coûtent cher). À l’inverse, les prix sont tirés vers le bas lorsqu’il y a beaucoup d’énergie renouvelable dans l’électricité (une électricité peu chère, qui dépend du vent et du soleil). 

En passant à la tarification dynamique, on apprend à vivre en fonction des éléments et en fonction de la charge sur le réseau. On peut ainsi consommer moins et mieux, simplement, si l’on a une consommation flexible. Ce n’est donc pas un hasard si l’Europe place la tarification dynamique de l’électricité au coeur de sa stratégie pour la transition écologique et énergétique du Vieux Continent.

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